« L’homélie »
Depuis le concile Vatican II, la proclamation de l’Évangile et l’homélie qui lui fait suite sont inséparables. Le missel tridentin l’assimilait à un acte de
parole sans lien essentiel avec l’Évangile. Le concile a clarifié le statut jusque-là indéterminé de l’homélie et lui a reconnu un caractère authentiquement théologique.
Cette clarification met en lumière le caractère central de la Parole, qui convoque son Peuple « afin que, du levant au couchant du soleil, une
offrande pure soit présentée » au Nom du Seigneur (Prière eucharistique III). Parce que toute la liturgie consiste dans une réponse à l’appel de la Parole
de Dieu, il faut voir beaucoup plus qu’un motif didactique ou pédagogique dans l’association de ces deux moments de la liturgie de la Parole.
L’acte de prédication constitue non pas un discours mais une « action de grâce » : un acte eucharistique. La parole humaine et tous ses registres
d’expression – logique, poétique, rhétorique –, y est élevée au rang de parole de Dieu. Le prédicateur ne « prend pas la parole » : il laisse la Parole
inscrite dans le texte résonner dans ses propres mots – dans notre propre temps. C’est ce qu’atteste la prédication de Jésus dans la synagogue de
Nazareth : « Aujourd’hui est remplie à vos oreilles le sens de cet Écrit » (cf. Luc 4, 21).
Voilà pourquoi l’Évangile n’est pas lu mais proclamé ; il est déjà, et depuis toujours, une prédication : un acte prophétique ouvrant au monde les
Écritures d’Israël – la Loi, les Prophètes, les Psaumes – dont l’Église a restauré la lecture dans le Lectionnaire. Alors que « nous rendons grâce à Dieu » à
l’issue des deux premières lectures, c’est par une acclamation que nous répondons à l’Évangile : « louange à toi, Seigneur Jésus ». C’est non un livre
que nous honorons ainsi, mais la Parole vive que nous sommes appelés à incarner, de telle sorte que notre vie devienne prédication.
Grégory Solari