La Pentecôte
Quand nous pensons à l’Esprit, nous l’associons spontanément au registre de la « spiritualité ». L’Esprit procure des dons ou des charismes. Il réchauffe les cœurs. Un lien plus ancien associe l’Esprit à la parole. Dans la Genèse, le don de l’esprit qui rend Adam vivant désigne le don de la parole. Ne pas parler s’apparente à la mort (Psaume 30, 13). Dans la liturgie, l’antienne de la messe de Pentecôte désigne l’Esprit comme celui qui « connaît toute voix », ou tout « vocable » (Sagesse 1, 7).
Que recouvre ce lien énigmatique entre langage et Esprit ? Le récit des Actes des Apôtres (2, 1-11) nous apporte un élément de réponse : l’Esprit y est assimilé à une action exercée à même l’acte de parler et l’acte d’écouter, qui ouvre la diversité des langues à l’unité d’un langage perdu depuis la Tour de Babel (cf. Genèse 11, 1-9). Un commentaire ancien décrit ainsi la propriété de cette langue : « contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, où certains mots ne sont pas compris par tous les locuteurs d’une même langue, à l’époque, les savants et les ignorants s’exprimaient de la même manière ». Ce qui est redonné à Pentecôte, c’est ce caractère « fraternel » du langage, plus ancien que tout conditionnement : « chacun entend les disciples parler dans son propre dialecte » (Actes 2, 9-11). Davantage qu’un idiome ou qu’une langue « sacrée », il faut y voir une manière de parler qui confère et conserve la communion des hommes entre eux : une parole habitée par la charité.
Après notre renaissance à Pâques, comme à des enfants, Pentecôte nous apprend la grammaire de l’amour. Quand son usage s’exerce à l’encontre de son essence, alors l’humanité cherche à être « une » autrement : par le pouvoir ou par le savoir – par l’abus du langage. Comme à Babel.
Où pouvons-nous parler cette langue de l’Esprit ? Dans la liturgie – partout où autrui attend de nous une parole d’amour et de vie.
Grégory Solari